Par Lorraine Rousseau
Les nouvelles des États-Unis n’en sont déjà plus. Voilà déjà quelques semaines que la Cour suprême des États-Unis a annulé l’arrêt Roe c. Wade, remettant ainsi entre les mains des États le droit à l’avortement. Je suis horrifiée, en colère, déçue, mais malheureusement pas surprise. C’est une attaque planifiée contre les droits des femmes et des personnes 2SLGBTQIA+ durement acquis au fil des années. Aujourd’hui, le monde subit les conséquences de l’inaction face à l’injustice et à la polarisation politique.
Je dis « le monde », car pendant des décennies, voire des siècles, le colonialisme a réussi à prétendre que les pays industrialisés (et leurs gouvernements et politiques) représentaient les nations civilisées. Pour de nombreuses personnes aux quatre coins monde, les États-Unis représentent le « monde libre ». Ils sont symbole de liberté. De liberté, vraiment?
Qu’est-ce que l’annulation de l’arrêt signifie pour les femmes du monde entier? Pour nous? En résumé, la Cour suprême a rejeté le droit à l’avortement, protégé par la Constitution depuis 50 ans. Cela veut dire qu’une jeune Américaine a moins de droits que sa grand-mère il y a 50 ans. Quelle est la portée réelle de la révocation de ce droit? Entre autres choses, des personnes ayant fait une fausse couche sont désormais questionnées. Bien que les fausses couches soient souvent spontanées, certaines résultent d’une décision personnelle. Dans les deux cas, les soins requis selon les normes médicales sont les mêmes qu’après un avortement. Ce qui signifie qu’une personne pourra maintenant être questionnée sur ce qui aurait pu provoquer la fausse couche, comme les médicaments qu’elle a pris ou sur ces actions ou activités! Le droit d’obtenir des soins appropriés sans obstacles ni questions est menacé, s’il n’est pas déjà trop tard.
Qu’est-ce que la situation aux États-Unis signifie pour le Canada? Pourquoi devons-nous nous en préoccuper?
Les droits de la personne et la liberté sont des valeurs qui transcendent les frontières et les nations. Par conséquent, nous sommes tous concernés. Ensemble, nous devons nous battre pour la liberté. La décision d’interdire l’avortement est une atteinte à la liberté et à la dignité des personnes directement concernées. Je demande à toutes et à tous de s’opposer à ce sombre pan de l’histoire.
La menace est réelle et, même au Canada, nous ne sommes pas à l’abri d’atteintes à nos droits et libertés. Ce qui se passe aux États-Unis peut se produire chez nous. Les droits et libertés des femmes, des communautés 2SLGBTQIA+, des peuples autochtones, des minorités visibles sont menacés. Nous ne devons pas attendre que de telles atteintes fraient leur chemin jusque dans nos communautés. Nous devons nous unir, chacune et chacun d’entre nous, contre toutes les menaces qui planent sur nos droits et libertés : nous ne pouvons pas nous permettre de garder le silence. Il ne faut pas attendre, sans rien dire, d’être témoins d’une autre décision juridique qui réduira nos droits. Ces mêmes droits et libertés pour lesquels des générations de femmes et de personnes de la diversité de genre se sont battues. À la suite de cette décision de la Cour suprême américaine, je ne peux que m’inquiéter et me demander : et après?
Nous savons déjà que de nombreux États interdiront l’avortement, si ce n’est déjà fait. Selon Amnistie internationale, l’avortement est un soin médical de base dont ont besoin des millions de personnes. Les avortements survivront à leur interdiction, mais dans quelles conditions? Interdire l’avortement bafoue les droits et la dignité des personnes qui doivent y avoir recours.
Les défenseurs des droits de la personne s’inquiètent des répercussions de l’annulation de l’arrêt Roe c. Wade sur la santé des membres de la communauté 2SLGBTQIA+. Ce précédent ouvrira-t-il la porte à l’annulation de droits récemment acquis, comme celui des personnes du même genre de se marier? Et après, à quoi s’attaquera-t-on? Les possibilités sont infinies… Et encore une fois, le mouvement actuel aux États-Unis s’étendra. Nous avons l’obligation collective de veiller à ce que cela ne se produise jamais au Canada.
Que faire?
Agissez! Ce ne sera peut-être pas facile, mais nous pouvons y arriver!
Sensibilisez les autres. Demandez aux personnalités politiques avant, pendant et après les élections leur position sur des sujets importants : les droits de la personne, les droits des femmes, les libertés…
Soyez aux premières lignes pour empêcher d’accéder aux rôles décisionnels les personnes qui ne s’opposent pas aux atteintes aux libertés.
Garder le silence, c’est approuver. Garder le silence, c’est se conformer. Garder le silence, c’est compromettre nos droits fondamentaux.
Défendez vos droits fondamentaux!
Éditorial paru dans le Yellowknifer, le 1er juillet 2022.